Le point de vue de l’artiste
Jakob Gautel

L’artiste est le miroir du monde. Il porte son regard sur le réel et le donne à voir.
Être artiste est autant une attitude et une conscience qu’une activité.
Être artiste, c’est regarder le monde les yeux ouverts et rendre visible, audible, sensible, compréhensible la réalité. Avec ses tensions, ses contradictions, ses bonheurs, ses angoisses et ses espoirs.
Être artiste, c’est le rapport de l’individu au monde.

J’aime semer le doute dans notre perception habituelle du monde. Je veux remettre en cause et demander : Pourquoi ? Et pourquoi pas autrement ?
L’artiste est l’électron libre dans un système préétabli. Le grain de sable dans la « machine ronde ».

Je considère le travail de l’artiste comme celui de poser des questions. Nous ne sommes certainement pas là pour donner des réponses (il faut se méfier comme de la peste de toute personne prétendant avoir des réponses), mais pour poser des questions. Un artiste est un chercheur. Souvent j’ai l’impression d’apprendre plus par la neurologie, l’anthropologie, l’archéologie ou la microbiologie, par la collaboration avec un artisan ou la rencontre avec un créateur d’un autre domaine, que par la lecture d’une revue d’art.

Quand je vois quelque chose ou quelqu’un, je ne peux m’empêcher de penser : Pourquoi ? Comment cela fonctionne-t-il ? Ou : A quoi pense-t-il ? Que ferai-je à sa place ? ...
J’essaie de me mettre à la place de l’autre, et de m’imaginer la partie invisible de sa vie, de son être. Je crois qu’on ne peut commencer à comprendre le monde, les gens, le cours de l’histoire, le présent que si on essaie de se mettre à la place de l’autre. Les plus grands malheurs, intolérances, guerres et injustices ont été commis au nom du refus de l’autre...

Mon travail artistique tourne autour de la perception de la réalité, et tente d’ouvrir des brèches pour montrer ce qu’il y a derrière l’apparence des choses. J’ai toujours eu l’impression que la face visible du monde, la réalité présente aux yeux de tous, ne pourrait être qu’une infime part du tout, et qu’un univers immense et inexploré devait se cacher derrière la surface des choses. Il suffirait de gratter un peu pour le faire apparaître.
Notre relation à l’espace, à autrui, au temps et à l’histoire m’interroge. Nous sommes mémoire, faites de strates de débris et de fragments du passé, mais nous sommes aussi projection dans le futur, rêve et utopie. Entre les deux, le présent n’est juste qu’un petit moment vital de respiration. Je veux capter l’attention des gens, et leur offrir un moment d’interrogation, d’envol ou de gravité.

Mon travail traite essentiellement de l’image :
L’image sous toutes ses formes : dessin, photo, vidéo, projection, et sa relation à l’espace et au temps : installation, performance, action.
De l’image comme trace, comme témoin, comme mémoire, mais aussi de « l’image que nous nous faisons », de « l’image que nous voulons donner » , de l’image comme projection de nos rêves, de nos désirs, de nos fantasmes, de nos cauchemars et de nos espoirs. Un travail sur l’image est aussi un travail sur nos visions.
Je travaille sur l’image, l’image mentale avant tout, et sa relation, souvent tendue, déséquilibrée, conflictuelle, avec la réalité. La toute première définition du mot « image » dans le Petit Robert est d’ailleurs « reflet ». Cela me plaît beaucoup ! Au fond toute image est reflet. Reflet, projection.
Pour révéler ce qu’il y sous la surface des choses.

Jakob Gautel


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#Autoportraits #Mots